THE BATMAN
- Émilie REDONDO
- 18 mars 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 mars 2022
Année de sortie : 2022
Durée : 2h57
Genre : Action, Policier, Thriller
Réalisé par : Matt REEVES
Casting : Robert PATINSON, Zoë KRAVITZ, Paul DANO, Jeffrey WRIGHT, John TURTURRO, Colin FARRELL, Jayme LAWSON, Andy SERKIS, Peter SARSGAARD, Rupert PENRY-JONES, Con O'NEILL
Synopsis : Seulement deux ans que Bruce Wayne a enfilé le costume du Batman. Deux ans que la peur se distille parmi les criminels et qu'il représente la vengeance pour les honnêtes citoyens de Gotham City. Cependant, lorsque que d'éminentes figures de la ville sont assassinées de façon à la fois théâtrale et sadique, la police découvre de mystérieux messages adressés au Batman. Alors qu'il progresse dans son enquête, soutenu par le lieutenant Gordon, Batman prend la mesure de la machination planifiée par son adversaire : l'Homme Mystère. Pour l'arrêter, il devra s'allier à l'énigmatique Selina Kyle, alias Catwoman, et révéler l'ampleur de la corruption à l'œuvre dans la ville.
Bref : Très bonne surprise ! Mettez vos a priori au placard et découvrez avec curiosité ce nouvel opus qui se distingue largement de ses prédécesseurs !
Quelques remarques en préambule, histoire de commencer à faire tomber les a priori sur ce film.
Il ne fait pas partie du DC Univers. C'est un film indépendant, qui ne s'insère ni dans la chronologie ni dans le cadre de l'univers de DC. Ce qui en soit est une très bonne chose, car il aurait fait tâche, eu égard au fait qu'il est de bien meilleure qualité, face à celle en demi-teinte de certains films de la franchise.
Ce n'est pas un reboot ! Avis à tous les détracteurs, moi la première, qui avait le préjugé que ce film serait un énième reboot, reprenant le même personnage usé (à l'image de celui campé par Ben AFFLECK), la même histoire usée jusqu'à la corde, les mêmes méchants, les mêmes gadgets, … Bref, les mêmes ingrédients arrangés à la sauce du réalisateur du moment. Quoique… Le préjugé n'est pas si erroné que ça, car, en réalité, le film reprend bien tous les ingrédients précités et le réalisateur les arrange bien à sa sauce. Sauf qu'ici, ça prend ! Justement parce que ce n'est pas un reboot !
Une fois n'est pas coutume, commençons par la technique : maîtrisée, sans l'ombre d'un doute. Le réalisateur opère des mouvements de caméra fluides et des cadrages qui permettent d'embrasser les scènes sans problème. Les prises de vues, surtout dans les scènes de combats ou de courses poursuite, sont réalisées à vitesse correcte ce qui permet aux spectateurs de ne rien rater de l'action.
La lumière est aussi une composante sur laquelle le réalisateur s'en sort plus qu'honorablement. Le scénario emmène le héros dans les bas-fonds et dans la vie nocturne de Gotham City, ce qui fait que la majeure partie du film est tourné de nuit et régulièrement sous la pluie. Pour autant, aucun problème de lumière : le contraste est bien dosé et fait avec précision.
Le plus impressionnant sur le plan technique est l'esthétisme de l'image. Certaines séquences sont tellement graphiques que l'on pourrait croire que ce sont des captures du comics lui-même. L'alliance des prises de vue, du cadrage et d'une lumière idéale, donne une réelle impression que le comics a pris vie tout au long du film.
Côté gadget, le réalisateur ne s'y est pas trompé : c'est un élément essentiel avec lequel on pouvait l'attendre au tournant. Il reprend donc les fondamentaux tout en leur donnant une couleur inédite (comme avoir trouvé une utilité à la cape). Que ce soit la Batmobile, la Batmoto, le costume, l'électronique, tout y est. Cependant en version moins aboutit, plus brut de décoffrage que dans les versions précédentes. Juste le strict nécessaire, sans enrobage ou design clinquant. Un peu comme le héros lui-même, mais je vais y revenir.
Cet opus est clairement le plus sombre de tous. Certes, la technique participe à la création d'une ambiance anxiogène. Le scénario également. Matt REEVES a choisi un parti pris différent de ses prédécesseurs : il revient à la genèse du personnage.
En se fondant sur les premiers comics de la série (de Bob KANE et Bill FINGER), il a redonné sa vraie nature au Batman : celle du "meilleur détective de son temps". À partir de ce postulat, le scénario va s'articuler autour d'une vraie enquête policière. Inspirée de l'enquête sur le tueur en série dit du Zodiac, celle que doit mener le Batman est complexe et truffée de codes, énigmes, devinette. Après tout, il affronte bien l'homme mystère.
Les crimes sont véritablement odieux (même si le réalisateur adopte la technique hitchcockienne du "suggérer sans tout montrer") et témoigne d'un profond sadisme du meurtrier, que les autres opus ne faisaient qu'effleurer. Face à ces crimes, Batman affiche un sang-froid et une réserve rarement aussi bien maîtrisée.
Il est question de Batman depuis le début. Qu'en est-il de Bruce Wayne me direz-vous ? Son héros, Matt REEVES le voulait jeune, moins expérimenté, moins sûr de lui, ce qui constitue un angle d'attaque inédit. Batman n'est pas encore un justicier : il est la "vengeance". C'est une distinction primordiale si l'on veut bien comprendre le parti pris du réalisateur. Il n'est pas encore le milliardaire respecté, PDG impliqué dans son empire, s'appuyant sur des années d'expérience à apporter la justice dans Gotham.
C'est bien là tout le génie de l'interprétation de Robert PATINSON. 7ᵉ à endosser le célèbre costume, il nous offre une interprétation profonde et bien plus psychologique de Batman/Bruce Wayne. Il parvient littéralement à se dédoubler. Là où ses prédécesseurs intégraient le Batman à Bruce Wayne, et vice versa, ici, les deux entités n'ont pas encore fusionné, ce qui le rend plus indéchiffrable.
Lorsqu'il est Bruce Wayne, le héros a l'air d'un jeune homme frêle au look grunge, désorienté, noyé sous les traumatismes de son enfance et fuyant les responsabilités liées à son héritage. Il semble parfois complètement paumé, à la limite du pétage de plomb. En revanche, lorsqu'il endosse le costume de la chauve-souris, il apparaît sûr de lui, calme, posé, prudent, ses capacités d'enquêteur semblent galvanisées. Sa démarche est ancrée (le réalisateur joue beaucoup avec), sa posture charismatique impose le respect, voire la peur. Bref, un contraste saisissant entre les deux moitiés d'une seule âme.
Le reste du casting aurait pu être totalement éclipsé par cette performance si les acteurs n'avaient pas été aussi bons. Zoé KRAVITZ campe une Catwoman très crédible, oscillant entre maîtrise (du combat surtout) et impulsivité émotionnelle. Jeffrey WRIGHT reprend parfaitement le rôle du lieutenant (pas encore commissaire) Gordon. Paul DANO atteint honnêtement le degré de folie et d'aliénation que l'on peut attendre d'un Homme Mystère dans le contexte du scénario. Enfin, derrière le maquillage, Colin FARRELL est méconnaissable en Pingouin. Sa faible présence à l'écran reste pourtant cohérente avec le parti pris du réalisateur : il n'est pas encore le criminel et génie du mal redouté des autres opus.
La cerise sur ce gâteau d'un goût tout à fait sinistre : la bande originale et la musique du film. Pour rester dans le registre grunge, le réalisateur a repris le titre "Something in the way" du groupe Nirvana, emblématique du genre : un choix tout à fait adéquat. Le reste de la musique du film a été composé par Michael GIACCHINO, avec qui Matt REEVES avait déjà collaboré (Laisse-moi entrer, la planète des singes : l'affrontement et Suprématie). Celle-ci a d'ailleurs été enregistrée avant même le tournage et a très largement participé à la création de l'atmosphère noir et glauque du film.
Au final : ma réticence a fondu comme neige au soleil. Ce film est une réussite et une bonne surprise. Chapeau bas d'abord à Robert PATINSON, qui a su se glisser de façon crédible dans le costume et qui lui a apporté une vraie profondeur, puis à Matt REEVES, qui ne nous offre pas un pseudo reboot, mais une nouvelle approche du personnage et de son univers. Tellement fascinant qu'on espère une suite !
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