Année de sortie : 2023
Durée : 3h01
Genre : Biopic, drame, historique
Réalisé par : Christopher NOLAN
Casting : Cillian MURPHY, Robert DOWNEY Jr., Matt DAMON, Emily BLUNT, Florence PUGH, Josh HARTNETT, Kenneth BRANAGH, David KRUMHOLTZ, Benny SAFDIE, Tom CONTI, Jason CLARKE, Alden EHRENREICH, Dane DEHAAN, Rami MALEK, Casey AFFLECK, Gary OLDMAN, David DASTMALCHIAN, Harry GROENER, Olivia THIRLBY, James D'ARCY, Tony GOLDWYN, Tim DEKAY, Gregory JBARA
Synopsis : 1942. Les États-Unis sont convaincus que l’Allemagne nazie développe une arme nucléaire. Ils initient donc, secrètement, le "Projet Manhattan", dont l'objectif est de mettre au point la première bombe atomique. Le gouvernement américain engage J. Robert OPPENHEIMER, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé "le père de la bombe atomique", pour diriger le projet. C’est à LOS ALAMOS, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, qu'un laboratoire ultra-secret est construit et où le scientifique et son équipe vont mettre au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…
Bref : PUISSANT ! À tous les niveaux ! Une pure merveille ! Un très grand film à la hauteur de l'Histoire, qui ne laisse pas le spectateur indemne !
Christopher NOLAN revient cette année avec une bombe ! Jeu de mot très facile, j'en conviens, mais Ô combien justifié au regard de cette œuvre que le réalisateur offre à tous les spectateurs du monde.
Car, le choix du sujet abordé dans ce film est loin d'être anodin et concerne l'humanité entière. Il s'attaque au morceau de l'Histoire qui a fait basculer le destin de la planète et de tous les êtres vivants : la naissance de ce qui est encore aujourd'hui l'arme ultime. Pour cela, il a décidé d'adapter la biographie de J. Robert OPPENHEIMER, écrite par Kai BIRD et Martin J. SHERWIN, American Prometheus : The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer, récipiendaires du prix Pulitzer.
Le réalisateur s'était déjà essayé au film de guerre avec Dunkerque, mais ici, il touche au noyau dur. Embrassant le projet à bras-le-corps, en tant que scénariste, réalisateur et producteur, Christopher NOLAN a montré toute l'étendue de son exigence. Exigence d'abord à cause d'un budget relativement serré de 100 millions de dollars, l'un de ses budgets les plus bas.
Exigence ensuite dans les recherches méticuleuses pour l'écriture du scénario et le soin particulier dans la sélection de sa distribution, dont les interprétations sont magistralement incarnées. Il a mélangé de vrais scientifiques, en guise de figurants, à une large palette d'acteurs venant du cinéma et de la télévision, donnant même de petits rôles à de grands acteurs oscarisés, qui ont tous accepté de revoir leurs cachets à la baisse.
Exigence encore d'une réalisation parfaite, avec une grande authenticité et un bel esthétisme des décors (réels ou reconstitués) et des costumes, accompagnée d'une musique originale efficace, marquant particulièrement bien les moments de tension. Exigence enfin dans la volonté de réalisme et la prouesse technique d'avoir recréé Trinity, le premier essai nucléaire, avec des effets spéciaux réduits au minimum.
Toujours est-il que Christopher NOLAN a un don particulier pour mettre en image et matérialiser, tout en le vulgarisant, les explosions de matières, la collision des particules, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Cela lui permet de montrer ce que son personnage principal a dans la tête, tout en illustrant les théories quantiques que J. Robert OPPENHEIMER a été le premier à importer aux États-Unis.
Il offre la tête d'affiche à Cillian MURPHY (et lui ouvre certainement la route vers un Oscar), un de ses acteurs fétiches (The Dark Knight, Inception, Dunkerque), qui se fond dans le rôle et incarne remarquablement le physicien dans toute sa complexité.
Le spectateur se retrouve passé dans le tambour de la machine de cette exigence. Il en prend plein les yeux et ressort lessivé de cette expérience autant visuelle que sonore (on aurait presque aimé pouvoir baisser un peu le volume à certains moments).
Christopher NOLAN retrace ici la grande Histoire, dans son contexte géopolitique, à travers la petite histoire, elle-même née des histoires des affres de l'âme humaine. Cette mise en abyme bombarde littéralement tous les sens. Cela passe pourtant grâce à une écriture intelligente du scénario et à l'utilisation du noir et blanc en IMAX, pour marquer le passage à différentes époques, et de caméras grand format de 65 mm, pour les impressionnants panoramas.
Le réalisateur prend le temps (3h01, le plus long de sa filmographie) de décortiquer cette "nécessité" (sujet qui peut encore faire débat aujourd'hui) d'inventer l'arme la plus dangereuse jamais imaginée par l'Homme, à travers le prisme des destins croisés de tous ses artisans (hommes et femmes, mathématiciens, physiciens, etc.). Il revient sur leurs motivations et leurs doutes lors de sa création, jusqu'à leur culpabilité et leurs remords, parfois leur absence, face à ses terribles conséquences.
J. Robert OPPENHEIMER a été la figure de proue du "projet Manhattan", ce qui lui a valu le surnom de "père de la bombe atomique", mais le film revient aussi sur ce qui entoure l'Histoire. Il détaille les pressions et les impératifs imposés aux chercheurs par le gouvernement américain, les guerres internes de territoire, les mesquineries, les trahisons et les vengeances, conséquences de vexations d'égos surdimensionnés, élaborées via des manipulations de l'appareil d'État (chasse aux sorcières Maccarthyste), entrainant un jeu de dupes dont il n'est pas évident de déterminer le gagnant.
Ce film trouve enfin un écho particulier avec l'Histoire qui s'écrit à l'heure actuelle, d'autant qu'il sort alors que la guerre en Ukraine dure depuis un an et demi et que l'agresseur russe n'a pas hésité à faire planer la menace de l'utilisation de l'arme nucléaire.
Au final : Un excellent film dans sa réalisation, mais surtout majeur et incontournable par son thème. C'est bien plus qu'un simple biopic sur J. Robert OPPENHEIMER. C'est un thriller psychologique qui nous rappelle que la curiosité et l'ingéniosité humaine a trop souvent été mise au service de sa propre destruction. Essentiel et à ne pas rater !