Année de sortie : 2018
Durée : 1h39
Genre : Drame, romance
Réalisé par : Rohena GERA
Casting : Tillotama SHOME, Vivek GOMBER, Geetanjali KULKARNI, Rahul VOHRA, Divya SETH SHAH, Chandrachoor RAI, Dilnaz IRANI, Anupriya GOENKA
Synopsis : D'un côté, Ratna, de l'autre Ashwin. L'une est la domestique tandis que l'autre est le fils d'une famille importante de Mumbai. L'une se bat pour réaliser ses rêves, l'autre semble s'être perdu en chemin. Deux êtres que tout oppose, qui vont pourtant se rencontrer et influer l'un sur l'autre.
Bref : Un film intimiste sur deux histoires croisées dans une société indienne qui montre enfin quelques frémissements d'évolution. Beau, tout simplement.
La société indienne est régie, depuis des centaines d'années, par une hiérarchie particulière qui sépare les habitants entre plusieurs classes sociales (notamment les "Varna" du système brahmanique et les intouchables), mais aussi, depuis l'indépendance de 1947, par de très nombreuses communautés de référence, ou "jâtis", le tout selon un modèle et une architecture complexe.
C'est en ayant cela à l'esprit que l'on comprend mieux l'univers du film Monsieur. Le scénario raconte l'histoire de Ratna, jeune veuve originaire d'un petit village et venu travailler à la grande ville de Mumbai, comme domestique de Monsieur Ashwin, fils d'une famille riche de la ville.
Le film arrive très bien à montrer le quotidien de chacun de ces deux êtres, chacun dans leur univers, ne se croisant que de façon épisodique. C'est grâce aux déboires sentimentaux qu'il rencontre, et au soutien que lui apporte sa servante Ratna, que Monsieur Ashwin va se rendre compte, non pas de sa présence, mais de sa situation. Il découvre que ces serviteurs sont des êtres humains, des travailleurs de l'ombre, dont les conditions de travail et de vie sont parfois plus que précaires, mais dont certains, comme Ratna, ont des rêves et une volonté farouche d'améliorer leur situation.
Le scénario peut paraître un peu lisse et d'un étonnant optimiste lorsque l'on connaît un peu le pays et la misère dans laquelle vit la plus grande partie de la population. C'est justement le parti pris par la réalisatrice : faire un film optimiste, au rythme d'un début de romance à la Cendrillon entre la servante et le maître, mais surtout montrer qu'il peut exister une certaine bienveillance de l'un envers l'autre.
Pour autant, la réalisatrice n'élude pas la misère : les salaires dérisoires, les doubles emplois, le poids des traditions qui les y maintient, les préjugés, etc. Elle est tout aussi réaliste quant à sa vision de ce système social totalement figé. Pour autant, elle en montre ses limites et ses injustices, tout en insufflant l'idée qu'un changement, une évolution, est possible grâce aux jeunes générations.
La réalisation technique du film peut être déroutante à l'occasion : beaucoup de plans où les acteurs sont de dos et ou les cadrages sont mal définis. Il y a cependant une intension évidente de se placer à la hauteur de ses personnages : beaucoup de plans caméra à l'épaule et peu de plans en grand angle. On découvre, sur quelques plans panoramiques, l'immensité de la ville, dont les tours en constructions renvoient, en miroir comme un symbole, à cette possibilité d'évolution et de changement de la société.
La musique n'est pas omniprésente, comme ce que l'on peut retrouver dans les films de Bollywood. Car ce n'est pas un film de ce type : pas de stéréotypes, juste de vrais gens, appartenant à des mondes différents, qui se rencontrent. La réalisatrice laisse la part belle aux sons et aux bruits ambiants : ceux du village, ceux de la ville ou ceux de l'appartement. Cela permet aux spectateurs de s'imprégner et d'intégrer pleinement le film.
La distribution du film est juste et chaque acteur embrasse son rôle sans fioriture. Les deux héros sont très en phase l'un avec l'autre et ont su traduire dans leur jeu l'évolution de leur propre personnage, mais aussi celle de leur relation. Chacun a sa fierté, chacun doit faire face à ses propres contraintes et chacun doit lutter pour faire tomber les obstacles sur son propre chemin.
Au final : Un très beau film qui nous fait voir l'Inde, non pas sous l'œil des deux extrêmes habituels, que sont la misère ou Bollywood, mais qui nous montre une réalité sociale méconnue. Une histoire que l'on sent vraie, une histoire de lutte pour l'amour et pour une vie meilleure.