DÉLICIEUX

Année de sortie : 2021

Durée : 1h53

Genre : Historique, comédie

Réalisé par : Éric BESNARD

Casting : Grégory GADEBOIS, Isabelle CARRÉ, Benjamin LAVERNHE, Guillaume DE TONQUÉDEC, Christian BOUILLETTE, Lorenzo LEFEBVRE

Synopsis : Pierre Manceron est un excellent cuisinier au service du Duc Chamfort, qui le limoge suite à une tentative culinaire audacieuse. Blessé dans son orgueil, Manceron part s'installer dans la maison de son père où il fera la rencontre d'une femme qui veut devenir son apprentie. Elle sera pour lui l'étincelle dont il a besoin pour réaliser qu'il n'est pas l'esclave de son ancien maître, à l'époque où la Révolution est en passe de changer la France.

Bref : Une gourmandise délicieuse. Un film sans prétention et frais !

C'est, en effet, un film sans prétention et frais qui traite pourtant d'un sujet fondamental pour un pays : les privilèges des uns par rapport aux autres et la valeur des Hommes.

Le réalisateur a su mettre tous les aspects de cette époque trouble dans son scénario. On peut y relever des questions comme celle du traitement des paysans par les nobles, de la dépendance des premiers envers ces derniers pour travailler et avoir des conditions de vie supportables, des privilèges dont se repaissent les uns et qui écrasent les autres, l'humiliation des petits par les grands, la vengeance des uns et la revanche des autres face aux humiliations, la condition des femmes, la vie misérable d'un peuple sur le point de se révolter, etc.

Par rapport au personnage principal, le scénario rappelle celui de Vatel (Roland JOFFÉ_2000) qui racontait l'histoire de François Vatel, maître des plaisirs du Prince de Condé sous Louis XIV. Mais là où François Vatel va se suicider pour éviter la disgrâce, Pierre Manceron, lui, va retrousser ses manches et écouter les conseils de son fils et de sa nouvelle apprentie pour rebondir en proposant sa cuisine à tous. Et c'est toute l'originalité de ce scénario : un personnage certes buté et orgueilleux, mais aussi intelligent, travailleur et résilient.

La toile de fond de ce film est bien évidemment les prémices de la Révolution Française. L'histoire mentionne la faim, la famine, le besoin de pain et les troubles qui agitent les grandes villes. L'intéressant et le principal étant la disgrâce puis le combat pour la réhabilitation, l'affrontement social et enfin la libération du cuisinier Manceron… mais pas que la sienne.

Que dis-je, le Chef Manceron ! Car au vu de sa philosophie de la Cuisine, son appétence pour les produits frais et son envie de cuisiner des produits du terroir, et non pas "toutes ces nouvelles épices exotiques" de l'époque (gingembre, cannelle, curcuma), Manceron serait aujourd'hui parfaitement à la mode culinaire. Il serait tout à fait à son aise parmi les grand(e)s cuisinières/cuisiniers comme Guy SAVOY, Anne -Sophie PIC, Thierry MARX ou Hélène DARROZE, pour n'en citer que quelques un(e)s.

Le scénario nous réserve également quelques rebondissements assez savoureux et un final que l'on déguste avec une certaine jouissance. Mais encore une fois, je ne suis pas du genre à spoiler ! Je vous laisse le soin de les découvrir.

Tout comme je suis certaine que vous découvrirez avec plaisir, des acteurs particulièrement bons dans leur rôle et dans leur interprétation.

Grégory GADEBOIS incarne tout en finesse ce cuisinier bourru, brusque, mais fier, avec une allure d'ours mal léché, généralement d'une humeur de dogue, mais qui s'éclaire dès que l'on parle de cuisine.

Isabelle CARRÉ propose un jeu tout en retenue, mais d'une grande intensité dans son rôle d'apprentie au passé mystérieux. Quant au jeune Lorenzo LEFEBVRE, il revêt brillamment le rôle du jeune homme moderne de l'époque, attiré par les idées révolutionnaires et cherchant à faire évoluer son père dans ses convictions et dans sa vision du monde.

Enfin, Benjamin LAVERNHE est très aristocratiquement noble en Duc de Chamfort, tiraillé entre son goût pour la bonne cuisine, qu'il considère comme réservée aux seuls initiés capables de la comprendre et de l'apprécier, et la pression sociale dictée par l'Église que chacun croit devoir suivre sous peine d'être mis au banc de la bonne société.

Le réalisateur arrive, de plus, à nous offrir, au passage, quelques prises de vue magnifiques des paysages de notre beau pays. Tout, dans sa manière de filmer, donne une impression intimiste, même dans les extérieurs. On se sent bien : que ce soit au travers des différentes saisons que dans la cuisine, et voir le cuisinier préparer ses plats donne envie de manger sain, frais et fait maison.

Au final : un film humble et beau, avec plusieurs niveaux de lecture, une histoire d'un temps ancien pourtant d'une grande modernité. On en ressort avec une grande faim !